Un fait divers, un film
L’idée du film a été inspirée à Eva Husson par un fait divers qui s’est déroulé en 1999 aux Etats-Unis dans une petite ville de classe moyenne et qui l’a beaucoup marqué. Elle avait 22 ans à cette époque et les adolescents de ce fait divers lui semblaient très proches du groupe auquel elle avait appartenu lorsqu’elle avait cet âge. Si cette dérive sexuelle a continué de l’habiter bien des années après, ce n’est pas vraiment le côté sexuel qui intéressait Husson mais plutôt la question de comprendre pourquoi ces jeunes « normaux » avaient pu aller aussi loin.
Un cadre fictionnel
Si ce fait divers est survenu aux Etats-Unis, Eva Husson s’est rendue compte au cours de ses recherches que d’autres événements similaires se sont déroulés ailleurs, comme à Nantes, en Allemagne, en Belgique… La cinéaste a donc volontairement situé son film dans une temporalité et une géographie fictionnelles : « Un Biarritz entièrement fantasmé ; une banlieue facile à vivre et à traverser, presque un quartier périurbain. À Anglet, où il se trouve, beaucoup de maisons ont été construites dans les années soixante-dix et ont été achetées par une classe moyenne émergente – beaucoup de profs se sont installés là durablement. C’était un lieu parfait pour le Bang Gang. »
Contexte en adéquation avec les personnages
Bang Gang (une histoire d’amour moderne) se déroule en pleine canicule et des catastrophes ferroviaires ne cessent d’émailler l’actualité. Eva Husson a effectué ce choix pour faire en sorte que les personnages du film puissent trouver dans des circonstances extérieures un écho aux moments intenses qu’ils vivent.
Une période difficile
Les adolescents du film appartiennent à la classe moyenne et sont souvent des solitaires issus de parents divorcés : « Adolescente j’ai toujours été stupéfaite de voir la manière dont le cinéma traitait cette période : un soi-disant état de grâce dans le groupe… qui ne collait pas du tout avec ce que je vivais. J’habitais au Havre, une ville totalement schizophrène à l’époque – à la fois culturellement foisonnante et d’une aridité absolue. À quinze ans, j’étais dans un état de dépression permanent. Quand les films s’attachaient à décrire des gamins isolés ou, au contraire, très à l’aise ensemble, moi, je passais mon temps à tenter en vain de m’intégrer dans des bandes. Les évènements que je décris – qui auraient très bien pu se dérouler dans cette ville – me donnaient l’occasion d’explorer cette veine, presque encore vierge, de la solitude dans le groupe à cette étape de la vie », explique Eva Husson.
Langage cru
Les personnages du film ont un rapport incroyablement libre avec la sexualité et le sexe est omniprésent dans leurs conversations. Eva Husson note que cette liberté existait déjà dans les années quatre-vingt-dix au moment où elle était adolescente. En revanche, la cinéaste note que le langage des jeunes d’aujourd’hui est beaucoup plus cru qu’avant et qu’elle a dû parfois beaucoup l’atténuer pour que les spectateurs puissent comprendre les dialogues.
Ne pas juger
Eva Husson ne juge à aucun moment ses personnages, même lorsqu’ils basculent dans le Bang Gang. Il s’agissait au contraire de retranscrire au mieux leur vérité : « L’adolescence est un âge d’une plasticité extrême : on s’en sort. Lorsque je regarde en arrière, que je revisite ma propre adolescence, il m’arrive d’avoir des sueurs froides : à seize ans, toujours à Ibiza, j’ai moi-même vécu des expériences très fortes du côté de la drogue. Je trouve important d’en parler, de ne pas minimiser ces étapes. »
En premier
Les scènes d’orgies n’intéressaient Eva Husson que dans la mesure où elles permettaient de faire avancer le parcours émotionnel des personnages. Elles ont été tournées en premier, pour soulager la pression des acteurs et de la production.
Festivals
Ce premier long métrage d’Eva Husson a été présenté pour la toute première fois au Festival du film francophone d’Angoulême fin août 2015, puis au TIFF à Toronto, au Festival international du film indépendant de Bordeaux, au London Film Festival, etc.
Travail avec les comédiens
Eva Husson raconte de quelle manière elle a travaillé avec ces jeunes qui n’avaient pour la plupart que peu ou pas du tout d’expérience en matière de cinéma : « Je leur ai laissé s’approprier le texte tout en évacuant certains termes qui n’auraient pas été compréhensibles pour la plupart des spectateurs. Nous avons beaucoup répété, surtout pour apprendre à se faire confiance les uns aux autres. J’insistais beaucoup sur le fait qu’ils devaient visualiser leurs corps comme ceux de danseurs et que leur intimité n’était pas en jeu – il était essentiel qu’ils gardent la distance de la fiction pour ne pas se laisser submerger. Tous leurs déplacements ont été chorégraphiés comme des séquences de danse. »
Lumière naturelle
Le directeur de la photographie Mattias Troelstrup et Eva Husson ont fait la même école de cinéma. PourBang Gang (une histoire d’amour moderne), ils ont beaucoup travaillé avec la lumière naturelle : « Lorsqu’on s’attache à des personnages aussi sensibles que ceux du film c’est important d’avoir des ombres profondes et des lumières très travaillées dans les détails : cela dit beaucoup de choses sur eux. (…) L’Europe, et la France en particulier, ont une grande propension à s’enticher de la laideur au nom d’un certain réalisme. Comme si la laideur c’était le réel… Tout regard est subjectif, autant l’assumer. Heureusement ma génération s’affranchit de plus en plus de ces héritages handicapants post-Nouvelle Vague et assume avec moins de complexe la mise en scène du réel. »
La BO
La musique du film est signée White Sea, un projet solo emmené par Morgan Kibby. Eva Husson connait très bien la chanteuse (qui a par la suite beaucoup composé pour M83) puisqu’elle l’avait rencontrée sur l’un de ses premiers courts métrages en 2001 à Los Angeles. La réalisatrice et Morgan Kibby avaient comme défi sur Bang Gang (une histoire d’amour moderne) de créer une cohérence entre une musique diégétique très rythmique et une bande originale lyrique.
« Le film marche en permanence sur le fil, et même la musique de fête prend quelquefois un chemin de traverse pour ne pas devenir insupportable sur la longueur (c’est la raison pour laquelle j‘ai introduit un lied de Schubert sur la troisième fête). Je trouve le mariage de la musique classique et de la musique électronique très fertile : toutes deux font appel à des transes différentes mais qui peuvent se révéler complémentaires », commente Eva Husson.
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